Sortir de la Crise Alain Touraine (6) ***** 26
6. Sortir de la Crise.
A. Touraine (6)
Réflexions !
Reste à conclure sur comment sortir de cette impasse dans laquelle nous nous trouvons. Je vous livre mes réflexions.
1. pourquoi c'est une impasse ?
2. comment rétablir un système viable ?
1. C'est une impasse car on a dérégulé complètement les systèmes financiers à partir du moment ou on les a laissé se développer sans aucune limite ou contraintes ni géographique ni économique pour le laisser devenir gigantesque c'est à dire bien plus important que l'économie réelle (voir Historique 1 et 2 et Variations du CAC 40). On pourrait mesurer ce gigantisme en le comparant à l'ensemble capitalisé de toutes les places boursières disons ce qui est dans l'encadrement linéaire que j'ai mis en évidence et dont le grand M traduit les dépassements gigantesques.
2. Les délocalisations, la globalisation, et la mondialisation de la finance comme l'automatisation, l'informatisation et la minimisation de la classe ouvrière à laissé le pouvoir aux systèmes financiers qui désormais dominent complètement le système capitaliste par la manne financière qu'ils manipulent et dont ni personne ni aucune institution ne peut plus diriger ou commander. Ce bateau ivre surchargé n'a pas pour l'instant ni de commandant ni de contre pouvoir mais il a des automatismes liés à l'avidité. On a réussi à calfeutrer les fuites de la dernière crise et il est reparti comme le montre la santé des instituts financiers mais pour combien de temps encore ?
Vidéo *****
http://www.dailymotion.com/video/xcaikw_alain-touraine-sortir-de-la-crise-l_news#from=embed
Cette Vidéo est trop (ce que je pense). Il faut l'écouter et la re-écouter. Alain Touraine a un discours simple et clair de 15mn. Peut être trop simple mais sans cela de serait beaucoup plus long. J'ai eu du mal trouver cette perle.
Transcript - Touraine
J'ai bien peur que une réponse de sociologue veuille dire une absence de réponse...mais enfin.
Je suis considéré en effet et je me considère comme sociologue et c'est la raison pour laquelle j'ai intitulé ce petit entretien la double mort du social. Il n'y a pas de paradoxe là dedans : après tout, les historiens, il y a déjà longtemps se sont débérassés de toutes les formes d'évolutionisme, ils s'en sont pas mal trouvés, même plutôt bien...Et bien je pense aussi que et je pense depuis très longtemps que la sociologie doit se débarasser de l'idée de société, de l'idée de social, ça peut sembler un peu extrême mais vous allez voir que on a peut être plus à y gagner qu'à y perdre.
La première mort du social, c'est la crise que nous vivons. Qu'est ce que c'est qu'une crise, et surtout du type de celle que nous vivons, c'est que un élément essentiel d'un système social se détache des autres. Dans le cas présent, il s'est formé un deuxième système financier, le premier ayant des fonctions essentielles, c'est-à-dire financer les investissements d'un côté, les crédits demandés par les individus ou des collectivités de l'autre. Et puis il s'est crée un deuxième système financier gigantesque et qui lui n'a aucun rapport avec l'économie, n'a aucune fonction sociale sinon l'enrichissement de ceux qui le mène, le gère en profit. Donc si vous voulez, le financier se sépare de l'économique, ça s'était déjà produit fortement au début du XXeme siècle et les allemands l'avait beaucoup analysé et de ce fait, l'ensemble du système social se casse, se fragmente.
Par exemple, les salariés ne savent plus très bien ou ne savent plus du tout à qui présenter des revandications d'autant que tout apparait être en chute, en décomposition et le résultat, c'est que il y a un vide sur la scène politique qui est complet de même que les social-démocraties créees il y a un demi sicèle sont en voie de liquidation un peu partout.
Alors, quel est le résultat?
Le résultat est que nous sommes dans une situation qui ne peut être réglée, améliorée que si on recompose un système social. Recomposer un systeme social, ça veut dire deux choses, je le dirai à nouveau tout à lheure mais c'est clair, ça veut dire premièrement que la grande majorité ou l'ensemble des acteurs sociaux doivent avoir en commun des objectifs ou des jugements de valeur communs. Dans la société industrielle, entrepreneurs et salariés croyaient au travail, croyaient à la technique, croyaient à l'augmentation de la productivité pour augmenter le niveau de vie et de bien être.
Et puis aussi, il y a société lorsque l'état intervient pour rétablir des équilibres, pour favoriser les uns ou favoriser les autres et en général favoriser ceux qui ont le moins, c'est à dire éviter des déséquilibres trop grands, éviter que les capitalistes prennent tout le gateau. Or tout ç a s'est cassé puisque qu'en ce moment, l'Etat a été amené, les états ont été amenés à financer les gros, les très gros, les grandes banques, les grandes entreprises, non pas pour leur donner de l'argent puisque l'Etat finalement va y gagner pas mal, mais simplement parce que on voulait éviter, et on a évité d'ailleurs, (enfin Obama a évité) la catastrophe, l'écroulement de toute l'économie comme ça avait été le cas en 29 au niveau du monde ou en 2001par exemple au niveau de l'Argentine.
Nous sommes dans cette situation en ce moment même. Iil n'y a de vues sur rien, de perspectives sur rien. On sait que si on revient en arrière, ce sera pour recommencer la crise.
D'ailleurs nous observons tous que le seul secteur qui se porte très bien en ce moment, c'est la banque et que la banque continue ou reprend ces habitudes de faire de la spéculation et de distribuer des bonus qu'on compte par milliards. Donc nous sommes dans une situation de décomposition sociale. Ceci est pathologique mais ceci, tout en étant pathologique, va dans le même sens au fond que ce que l'on observe à plus long terme et en dehors de toute référence à une crise.
Car quelle est notre situation? Notre situation, elle est définie par la globalisation de l'économie, la creation d'une eco qui est desormais à peu pres au delà de toute atteinte possible d' acteurs sociaux ou politiques. Personne ne peut, sauf dans le cas de la crise que nous venons de vivre, et qui ne peut pas se répéter du point de vue des Etats.
Nous sommes dans une situation ou l'économie n'appartient plus à la société. Quand nous étions tout petit, on nous disait economico-social, et l'histoire economico-sociale apparaissait comme un grand progrès.
Oui il y a cinquante ans, il y a cent ans mais aujourd'hui, il n'y a plus d'économico-social, il y a une séparation de l'économique et du social et si vous admettez que le social, c'est à dire l'ensemble des institutions sociales était fait pour contrôler, organiser, orienter les forces économiques dans des buts ou selon des mécanismes qui sont choisis par la majorité de la société, nous pouvons dire que les institutions sociales n'étant plus capable de maitriser, ou d'orienter ou de contrôler ou de réguler la vie économique sont en décomposition.
Tous les jours, nous disons crise de la ville, crise de l'Etat, crise de la démocratie, crise de la famille, crise de l'école, crise de la justice et ces expressions ne sont pas du tout vides de sens.
Nous ne savons plus ce que c'est, nous ne savons plus comment définir la démocratie, nous ne savons plus quel est le but de l'école. La famille encore, grâce à un taux de divorce élevé, ça va plutôt bien. il y a moins de catstrophes qu'à l'école par exemple qui est un des secteurs les plus retardataires de notre société et ou on casse de l'enfant ou de l'adolecsent à grand coups de marteau.
Qu'est ce qu'on peut faire pour rétablir une vie sociale ayant un certain contrôle de soi? Je dis ceci ; il y a deux possibilités et pas trois : celle qui consiste à dire "on revient en arrière business as usual" n'a aucun sens car nous sommes en pleine crise et dire que la crise c'est "usual", ce serait d'un pessimisme excessif.
La première, qui est la plus probable dans l'état actuel des choses, c'est la catastrophe : de crise en crise, on chute.
Si on prend le monde occidental, tout le monde est d'accord pour dire que les Etats-Unis (qui restent la puissance la plus importante du monde), ont perdu leur hégémonie. On peut dire aussi que les européens sont en chute dans la mesure ou l'UE est un exemple presque parfait d'impérétie, d'incapacité de gouverner. On dirait même que les Européens ont fait exprès de choisir des gens complètement inconnus pour diriger leur destin commun puisqu'il ont même nommé une ministre des affaires étrangères qui ne s'est pas aperçu qu'il y avait une catastrophe a Haiti
Donc l'Europe va très mal. Les taux de croissance prévisibles sont très bas. 0.5, 1, 1,5%, comparé à 7 ou 8% que vous avez en Chine mais aussi dans d'autres pays. C'est une situation de chute indiscutable et vous voyiez déjà un certain nombre de gens quitter un pays comme la France parce qu'on ne leur offre pas d'opportunités dans des laboratoires scientifiques. Nous sommes donc dans une phase de chute, de décomposition, de doutes même sur ce qui avait constitué notre civilisation occidentale. Doutes à la fois justifiés, et tout à fait excessifs sur le sens de l'universalisme que nous avions construit depuis les Lumières. Nous nous sentons fortement menacés par une poussé des communautarismes, qu'ils soient religieux, politiques ou ethniques, et nous savons mal gérer nos relations avec nos minorités. On a fait quelques progrès mais, en particulier en France, l'idée de l'Etat central fait que nous gérons mal nos minorités. Alors qu'est ce qui reste comme autre solution?
L'autre solution consiste a dire, ce qui après tout s'est dit il y a 200 ans, qu'il faut reconstruire mais pas de la même façon. Ca ne sera pas une société de type industrielle ou l'économique et le social sont profondément liés et plus ils sont liés mieux ça marche. avec les syndicats les partis les réformes la Sécurité sociale.. ce que nous avons bien vécu pendant un demi siècle.
Nous avons donc une possibilité, qui est négative mais pas totalement nulle c'est d'avoir d'un coté ce gros cumulus noir, ce système économique qui fonctionne essentiellement par la recherche du profit du système financier, et de l'autre coté quoi? C'est la grande affaire! Quelle est la valeur ou la force sociale, ou l'objectif politique qui peut s'opposer à tout ça, étant donné qu'il y a séparation complète de l'économique et le social et que le social est en ruine. Ce que nous observons, c'est que la sensibilité d'aujourd'hui n'est plus proprement sociale. Elle est culturelle, elle porte sur les fondements même des orientations culturelles de notre vie personnelle et collective. Ce qui bouge, ce sont les mouvements de femmes, les mouvements de l'écologie politique (qui sont montés au même niveau que les mouvements économiques) et les défenses de minorités intelligemment définies.
L'autre possibilité, c'est d'avoir d'un coté l'économie, et de l'autre coté ce que j'appelle, le sujet: la volonté des individus et des groupes d'être maîtres de leur propres avenir, de se commander eux même en fonction de leur droit.
Je parle ici comme Hannah Arendt "l'essentiel du monde humain, c'est que les humains ont le droit d'avoir des droits". C'est exactement ce qui nous mobilise aujourd'hui.
Quand vous vous baladez au bord des routes de l'Himalaya ou de l'Afrique, les gens disent "je veux être respecté, je ne veux plus être humilié". Ce sont les forces les plus profondes pour une renaissance de l'action sociale.. Le problème c'est que ces deux montages peuvent exister, alors que dans la vallée au milieu, c'est le bourbier : des individus désociabilisés, de la violence, de la perte d'activité et d'énergie;
Le problème que nous avons devant nous, c'est que nous devons, à partir de ces deux montages qui entourent le vide social, créer un système d'irrigation de valeurs et ou de forces économiques brutes, qui donne de la vie qui réanime ce qui a été la société. Le problème, ce n'est pas de redresser l'économie, c'est d'être capable de dire ce que sont nos orientations valoratives. Par exemple, que doit être l'école? Si vous avez une définition de l'école, nous n'en avons pas! On comprend bien que le système ne marche plus très bien, mais on est toujours persuadé qu'on est formidable. On ne l'est pas
Il faut réanimer ce vide social, ce double vide, a partir du haut, à partir des exigences les plus fortes de l'économie et du sujet humain.
Ce que dit le sociologue, sans contredire l'économiste qui va chercher a arranger un moteur en panne, c'est que c'est à partir du plus loin de l'économie, à partir de la capacité de récréer des éléments qui orient l'action sociale et la vie personnelle, à partir d'un nouvelle transformation (exactement comme la société industrielle a succédée à la société politique qui avait succédé a la société religieuse, pour parler vite) que nous avons besoin d'avoir une vision novatrice. Cela suppose des arrachements dont nous ne sommes pas toujours capable.
Ce que le sociologue peut vous dire, c'est qu'il faut mettre l'accent sur ce qui est le plus loin des pratiques ordinaires, sur ce qui est porteur de sens. Et ce qui est porteur de sens peut (pas toujours) finalement redonner de la vie aux pratiques aux relation aux institutions qui forme notre vie émotionnelle et collective.
Voilà ce qu'un sociologue peut dire sur les issues possibles de la crise, de manière modeste, mais je crois essentielle.
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